<html><div style='background-color:'><DIV class=RTE>
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<BLOCKQUOTE style="PADDING-LEFT: 5px; MARGIN-LEFT: 5px; BORDER-LEFT: #a0c6e5 2px solid; MARGIN-RIGHT: 0px"><FONT style="FONT-SIZE: 11px; FONT-FAMILY: tahoma,sans-serif">
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<DIV></DIV>From:  <I>"Trottier Danick" <danick.trottier@umontreal.ca></I><BR>Reply-To:  <I>cercledemusicologie@groupesyahoo.ca</I><BR>To:  <I><cercledemusicologie@groupesyahoo.ca></I><BR>Subject:  <I>[cercledemusicologie] Pierre Vidal-Naquet</I><BR>Date:  <I>Sat, 5 Aug 2006 11:21:56 -0400</I><BR>><BR>>Pierre Vidal-Naquet (1930-2006), historien contre les mensonges du présent<BR>><BR>><BR>><BR>><BR>>Georges Leroux<BR>>Édition du samedi 5 et du dimanche 6 août 2006 (Le Devoir)<BR>><BR>>Mots clés : Québec (province), Décès, histoire, pierre vidal-naquet<BR>><BR>>Disparu la semaine dernière, l'historien français Pierre Vidal-Naquet fut non seulement un important historien de la Grèce ancienne, mais aussi un intellectuel de gauche engagé dans l'action. L'homme refusait de laisser se construire 
aujourd'hui les fabulations et les mensonges qui deviendront les vérités de demain. Démonter ces fabulations, soustraire à l'amnésie ce qui doit l'être pendant qu'il en est encore temps, c'était pour lui un travail important et nécessaire. Peu de temps avant sa mort, il protestait encore, cette fois contre la logique guerrière mise en oeuvre contre le Liban.<BR>><BR>>Dans son intervention aux Rencontres des historiens, tenues à Blois en avril 2002, Pierre Vidal-Naquet expliquait comment il avait choisi l'histoire. Il était, disait-il avec insistance, d'une autre génération que celle du maquis, il n'avait pas fait la guerre. Cette manière de marquer le passage d'une génération montre bien son style : lui qui était né en 1930 dans une famille juive ne devait qu'à une solidarité relevant presque du hasard le fait d'être encore en vie en 1945, ce sont les autres qui avaient mené les 
vrais combats. S'il est vrai qu'il ne fit pas la guerre, on peut cependant dire que c'est la guerre qui est à l'origine de toute son oeuvre historienne, de tous les combats qui furent les siens. Son père et sa mère avaient été raflés à Marseille le 15 mai 1944, d'où ils furent déportés à Auschwitz, et il a raconté dans ses Mémoires à la fois les angoisses et les illusions d'une famille bourgeoise qui ne pouvait se résoudre à regarder la barbarie en face. Pourtant, dans un journal tenu pendant presque deux ans, de septembre 1942 à février 1944, l'avocat dreyfusard Lucien Vidal-Naquet s'était fait l'observateur lucide des compromis de Vichy et il ne pouvait se méprendre sur son destin. Pierre Vidal-Naquet a édité ce journal avec une préface qui complète le portrait de son père qu'on trouve dans ses Mémoires (Réflexions sur le génocide, La Découverte, 1995; repris en 10/18 en 
2004).<BR>><BR>><BR>><BR>>Devenir historien, ce ne pouvait être que recevoir de sa jeunesse meurtrie cette injonction à témoigner, cette responsabilité de la mémoire, ce devoir de la vérité. Tenté par la philosophie, un terrain déjà élu par son cousin Jacques Brunschwig, il s'oriente néanmoins vers l'histoire et la philologie grecque. Sous la supervision d'Henri-Irénée Marrou et d'André Aymard, il se plonge dans Platon et Hérodote et collabore avec Pierre Lévêque à des travaux qu'on peut désormais compter comme les premières contributions de l'école dite de Paris, cette approche sociale de la culture grecque où se sont illustrées les grandes figures que sont aujourd'hui pour nous, et inséparablement de lui, Jean-Pierre Vernant et Marcel Detienne.<BR>><BR>><BR>><BR>><BR>><BR>>Au coeur de cette jeunesse vouée à l'étude, la guerre d'Algérie va fournir le 
contrepoint désormais indissociable de son travail historique : l'affrontement avec les violences et les mensonges du présent et la formation de convictions de gauche qui ne se démentiront pas. Devant la torture et les massacres, l'exigence de parler, l'urgence de dénoncer. Un de ses premiers textes publiés (Esprit, avril 1957), présentant le témoignage de son ami Robert Bonnaud sur les exécutions en Algérie, montre le registre où il ne cessera de se placer : Pierre Pachet en a parlé comme d'un croisement de l'accusation judiciaire et de la rigueur historique. La description est juste.<BR>><BR>><BR>><BR>>Dans ses mémoires, Pierre Vidal-Naquet se décrit comme un anticolonialiste, certes, mais assez peu averti de la discussion politique, et notamment de la situation de la guerre froide. «Qu'étais-je moi-même ?», ne cesse-t-il ne demander, en pensant à ses engagements 
politiques. Dans un long entretien donné à la revue Vacarme (n° 17, 2001), il répète que son tempérament ne l'orientait pas vers les lignes de parti, mais plutôt vers des luttes concrètes, des responsabilités intellectuelles précises. Influencé en cela peut-être par les convictions dreyfusardes de son père, mais sans doute surtout par le marxisme de toute sa génération, il fut très rapidement un intellectuel combatif, intempestif. Des premiers écrits sur la torture, au sein du comité Audin (L'Affaire Audin, Minuit, 1958), du nom d'un résistant algérien dont on avait voulu couvrir l'assassinat par la simulation d'une tentative d'évasion, jusqu'aux textes les plus récents sur le négationnisme, cet historien de la Grèce démocratique fut aussi, et mesure pour mesure, le témoin des faillites de la démocratie européenne à l'âge du colonialisme, de la terreur et de 
l'amnésie.<BR>><BR>>L'engagement<BR>><BR>>C'est un risque effrayant pour un universitaire que de sortir du petit périmètre de sa spécialité pour intervenir sur la place publique, et il y a quelque chose de pathétique dans cette question indéfiniment retournée à Vidal-Naquet et à laquelle il fit toujours la même réponse : comment articuler le travail de l'historien sur l'Antiquité et l'analyse du présent ? La fragilité de la vérité, aimait-il répondre (Le Choix de l'histoire, Arléa, 2004), est d'autant plus grande que les contemporains laissent se construire les fabulations et les mensonges qui deviendront la vérité du futur : démonter ces fabulations, soustraire à l'amnésie ce qui doit l'être pendant qu'il en est encore temps, c'est inscrire le travail de l'historien dans une responsabilité ouverte. L'érudition n'est souvent qu'une illusion mise au service des mythes les plus 
commodes. Son ami Jérôme Lindon disait de lui qu'il était un homme du dix-neuvième siècle : il faut sans doute entendre cela comme décrivant un savant d'avant le grand repli sur la niche, un intellectuel courageux.<BR>><BR>>Cela dit, il est par ailleurs nécessaire d'insister sur les articulations entre les études sur la représentation de l'histoire et les mécanismes de la démocratie antique (La démocratie grecque vue d'ailleurs, Flammarion, 1996; Le Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, La Découverte, 1991) et les travaux sur la mémoire, la raison d'État, le génocide.<BR>><BR>>Proche de l'histoire sociale et économique de M. I. Finley, Pierre Vidal-Naquet est d'abord un historien de la société et des rapports sociaux : de l'éphébie à l'esclavage, il s'intéresse à la parole politique et s'il y a un sens à parler de l'école de Paris, c'est 
surtout pour montrer l'importance des sciences sociales, et en particulier de l'anthropologie, dans le renouveau de l'étude de la société grecque. C'est avec les outils du présent que l'historien analyse les représentations du passé. Quand on passe en revue ceux qui furent ses amis, de l'indianiste Charles Malamoud à l'historien Pierre Nora, on ne peut qu'admirer la richesse de la discussion au sein de cette école.<BR>><BR>>Vidal-Naquet accueillit le structuralisme avec précaution et ses études sur la tragédie ne sont pas seulement des analyses littéraires, ce sont de véritables ouvertures vers la vérité des représentations : ce que les mythes nous apprennent des sociétés dont ils émanent. Dans tous ses travaux, cette perspective est la constante la plus essentielle : le croisement de la représentation et de la société. Qu'il s'agisse des apories contemporaines de la mémoire, qu'il 
s'agisse de cette vérité fantasmée des mythes, les questions sont les mêmes : comment traverser le miroir, comment déconstruire ?<BR>><BR>>Un homme d'archives<BR>><BR>>Pierre Vidal-Naquet, quoi qu'il en dise, fut un homme d'archives, de pièces à conviction : il savait une chose d'instinct, le crime politique est habile à effacer les traces, et surtout à fabriquer une mémoire qui l'innocente. Tous ceux qui ont suivi les chemins tortueux de la mémoire de la violence en Algérie savent comme lui à quel patient travail l'historien doit consentir pour recouvrer une parcelle de la vérité occultée par les bourreaux. Dans les trois volumes consacrés à la mémoire juive (Les Juifs, la mémoire et le présent, Points/Le Seuil), on voit les résultats d'années acharnées à débusquer les mensonges du négationnisme. Ces résultats sont aujourd'hui un appel légué aux historiens qu'il a formés, un 
précieux héritage, et ils sont nombreux à l'accueillir : dans l'hommage collectif qu'ils lui rendirent (Pierre Vidal-Naquet, un historien dans la cité, La Découverte, 1998), on ne peut que constater la riche influence de son engagement pour la justice et l'admiration pour son obstination et sa rigueur.<BR>><BR>>Je voudrais terminer ici sur une note personnelle. Je garde le souvenir admiratif des séminaires de Pierre Vidal-Naquet à l'École pratique des hautes Études, rue De Varenne, alors qu'il discutait du Politique ou du Timée de Platon dans les années 1972-74. Nous étions plusieurs étudiants québécois à y assister, et d'abord Luc Brisson avec qui je me retrouvais aussi chez Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant. Il était impossible pour nous de ne pas être à son contact immergés en même temps dans l'histoire ancienne et dans les tensions du monde contemporain : Vidal, comme ses 
amis et ses étudiants aimaient l'appeler, portait tout en même temps, le destin d'Israël, la guerre d'Afghanistan, le sort de l'Europe d'avant 1989. Il répétait que son vrai maître était Walter Benjamin, parce qu'il avait compris l'irrationalité de l'histoire et de la violence, une question qui hante le Politique de Platon. Quand j'ai vu sa signature au bas de l'appel publié la veille de sa mort, le 27 juillet, par le collectif «Trop, c'est trop !», en protestation contre la logique guerrière mise en oeuvre au Liban, j'ai su qu'il était demeuré le même jusqu'au bout.<BR>><BR>>Collaborateur du Devoir<BR>><BR>><BR>><BR>><BR>><BR>><BR>>www.cercledemusicologie.com<BR>>---Pour vous retirer de ce groupe, envoyez un courrier électronique à :<BR>>cercledemusicologie-unsubscribe@groupesyahoo.ca<BR>><BR>><BR>>Liens Yahoo! Groupes<BR>><*> Pour 
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