[ANPPOM-L] ethno

Zélia Chueke zchuekepiano em ufpr.br
Qui Set 9 17:55:53 BRT 2010


APPEL A COMMUNICATION
 - Journée d’étude ethnomusiKa -

4 janvier 2011
EHESS, Paris

“L’ethnomusicologue-praticien” Questions d’objectivité ?


La recherche en ethnomusicologie implique un investissement émotionnel.
C’est d’ailleurs par là que commence bien souvent le « terrain » de
l’ethnomusicologue, séduit par une culture, une musique, un instrument, un
répertoire, une pratique, un lieu, un environnement. Le chercheur se
construit dans cet intense investissement avec les personnes avec
lesquelles il travaille. Il apprend leur langue, leur histoire, les
tenants et aboutissants de leurs pratiques culturelles, leur musique (sa
théorie mais aussi souvent sa pratique) et il est bien souvent confronté
aux conflits et tensions qui parcourent leur société.
Cette relation, souvent désignée par le terme plus académique de « rapport
au terrain », a contribué depuis les années 1960 aux nombreux débats
épistémologiques questionnant l’objectivité des sciences sociales et plus
particulièrement de l’anthropologie. L’immersion dans une autre société et
la réflexivité du discours académique y sont présentées comme antagonistes
et le discours du chercheur comme une lecture ancrée dans la subjectivité
du langage.
Quelle place cette subjectivité du chercheur ethnographe (et, dans notre
cas, bien souvent musicien) doit-elle occuper dans nos travaux ? Notre
gestion du rapport au terrain dépend-elle uniquement de nos réactions face
à des situations singulières (renvoyant au scepticisme des postmodernes)
ou peut-elle être traitée à partir d’une ligne de conduite plus générale ?
L’objectif de cette journée d’étude est de poursuivre la réflexion sur les
influences que peuvent avoir les rapports de l’ethnomusicologue à son
terrain et à la musique étudiée sur la production d’un travail de
recherche, de la collecte des données à leur analyse. Nous souhaitons que
ces rencontres et débats s’inscrivent dans une perspective historique et
viennent confronter, enrichir le débat à la lumière de la réflexion
théorique déjà existante à ce sujet.

Thématiques suggérées (liste non exhaustive)
Ethnomusicologie et objectivité
Les réflexions sur l’objectivité des sciences humaines ont, pour une bonne
part, reposé sur les travaux de Jean-François Lyotard et Jacques Derrida,
quand le premier dénonçait les « métarécits » historiques et le second
mettait en avant la subjectivité du langage et des points de vue ; ces
débats ont amené à considérer que tout travail de recherche constituait
une narration subjective, au même titre que la littérature.
Mais faire ainsi de l’anthropologie et de l’ethnomusicologique un « simple
» récit égocentré de l’autre ne nous semble pas constituer une proposition
épistémologiquement tenable ni résoudre la question du rapport au terrain.
Quelle relation l’ethnomusicologie peut-elle entretenir avec les idées
postmodernes et la question de l’objectivité ? Est-ce que la discipline
peut/doit revendiquer le statut de science et à partir de quels postulats
? Le rapport aux autres et à leurs pratiques artistiques peut-il ainsi se
défaire d’une forme de subjectivité ?

Propositions pour une épistémologie de la discipline
Au XIXe siècle, on parlait de “sciences morales” pour distinguer l’esprit
humain de l’ordre de la nature. Les sciences sociales qui émergeaient à la
même époque, de par la nature de leur objet, durent assumer, en quelque
sorte, une « prise de position ». Cette « prise de position » s’inspira
cependant de l’avènement des sciences expérimentales et d’un travail de
mise en lumière des « lois » de la nature qui ont largement contribué à
l’établissement des critères de l’objectivation scientifique. Ces derniers
ont constitué une base épistémologique importante pour de nombreux
courants de la psychologie ainsi que de la sociologie (bien souvent
quantitative) de Emile Durkheim à Pierre Bourdieu.
Aristote disait qu’il n’y a de science que du général et non du
particulier. Est-ce que l’ethnomusicologie doit se limiter à l’étude des
particularismes ou plutôt s’ancrer dans une orientation disciplinaire
collective ? Cette question est aujourd’hui au premier plan des débats
ethnomusicologiques comme en atteste « l’appel aux armes » de Thimothy
Rice (Ethnomusicology, vol. 54 No. 2, spring/summer 2010, p. 318). Il
incite les ethnomusicologues à consolider la discipline autour d’un cadre
théorique basé sur des concepts communément définis. La spécificité de
l’expérience et du travail de chacun doit servir à l’établissement de
perspectives transversales et permettre d’appréhender la richesse du
phénomène musical dans son ensemble.
Comme le souligne implicitement l’auteur, beaucoup de travail reste à
faire quant à la place du travail d’équipe en ethnomusicologie. On pourra
également s’interroger sur les raisons pratiques et méthodologiques de ce
manque.

L’ethnomusicologue musicien de son terrain
La « bi-musicalité » constitue une des bases fondamentales de la
discipline. Elle implique le développement d’une connaissance ainsi que
d’une pratique de la musique qui permettent une compréhension accrue des
processus d’apprentissage, de création et de performance. De quelle
manière le travail de l’ethnomusicologue est-il influencé (encouragé,
soutenu) par cette relation à la musique étudiée ? Quels rapports au
terrain peut-elle entraîner ?
Souvent considérée de facto comme positive, la « bi-musicalité » peut
également impliquer l’établissement de relations de nature à complexifier
certains aspects du travail de recherche. Dans le cas où le maître de
musique est également l’informateur privilégié, un écueil consisterait à
reproduire son seul point de vue au dépend de celui d’autres musiciens. Un
autre risque serait de ne pouvoir aborder certaines questions considérées
comme sensibles (en particulier économiques, politiques et religieuses),
souvent pour la simple raison qu’elles n’ont pas leur place dans une
relation d’enseignement.

L’ethnomusicologue croyant : théologien ou anthropologue des religions ?
L’ethnomusicologue choisit souvent d’investir son terrain de recherche par
la pratique de la musique. Cependant, quand le sujet y est lié (dans le
cas de musiques associées à des pratiques rituelles, et plus généralement,
tout répertoire religieux), il peut être amené à prendre position vis à
vis de croyances religieuses. Certains choisissent de rester en dehors et
d’autres de vivre l’expérience de l’intérieur souvent par le biais d’une
initiation qui peut aussi bien ouvrir certaines portes qu’en fermer
d’autres et rendre difficile une réflexion distanciée.
Ainsi, comment peut-on conserver une forme de réflexivité lorsque le
regard vient de l’intérieur ou être suffisamment informé si le regard
reste extérieur?

Des écueils ? Mariage, engagement politique, conflits, etc.
Comment gérer des situations dans lesquelles son investissement sur le
terrain touche à des points sensibles et qui, a priori, ne sont pas
directement liés à la recherche elle-même ? Comment gérer les conflits
autour de la paternité d’un répertoire, l’antagonisme des discours, les
charlatans et les intéressés, tous ces petits maux sensibles du terrain
souvent gérés dans la solitude et dont les ethnomusicologues parlent peu ?
Enfin, quelle place donner dans l’écriture à ces écueils ? Choisir de se
marier sur son terrain de recherche peut modifier considérablement sa
position et celles de ses interlocuteurs. Est-ce que ces choix de vie du
chercheur (quand ils influent sur son rapport au terrain) doivent être
pris en compte dans son travail et l’amener à une auto-analyse ?

Bibliographie sélective
BARTZ, Gregory et COOLEY, Timothy J. (dir.), Shadows in the Field : New
Perspectives for Fieldwork in Ethnomusicology, Oxford & New York : Oxford
University Press, 1997 (2nde édition : 2008).
BOURDIEU, Pierre, Science de la science et réflexivité, Paris : Raisons
d’agir, 2001.
CLIFFORD, James et MARCUS, George E. (dir.), Writing Cultures : The
Poetics and Politics of Anthropology, Berkley & Los Angeles : The
University of
California Press, 1986.
D’ARRIPE, Agnès, « Construction d’un dispositif méthodologique et de ses
outils: savoir commun et savoir scientifique, de l’induction aux
hypothèses »,
Etudes de communication, Vol. 1 No. 32, 2009, pp. 97-108.
GIURIATI, Giovanni, « La voie du gamelan : entretien avec Ki Mantle Hood »
Cahiers de musiques traditionnelles, 8, 1995, pp. 193-214.
MULLER, Séverin, « Le rapport idéologique au terrain : La normalisation du
travail par la règle sanitaire », in Observer le travail : Histoire,
ethnographie,
approches combinées, Paris : La Découverte, 2008.
MUSSO, Sandrine, « A propos du “malaise éthique” du chercheur : les leçons
d’un terrain sur les objets « sida » et « immigration » en France ».
ethnographiques.org, 17 [en ligne], 2008 (article accessible ici:
http://www.ethnographiques.org/2008/Musso)
PICARD, François, « L’hypothèse ethnomusicologique », article en ligne,
http://www.plm.paris-sorbonne.fr/Textes/FPHypothese.pdf, 2005.
RICE, Timothy, May It Fill Your Soul : Experiencing Bulgarian Music,
University of Chicago Press, 1994 (en aperçu limité sur
http://books.google.fr/books?id=ECtMhZ226FYC&lpg=PP1&dq=may%20it%20fill%20your%20soul&pg=PP1#v=onepage&q&f=false).
« Forum : A Conversation between Two Disciplines : What Do We Learn When
We Learn Music from Our « Informants » ? », The Journal of American
Folklore,
Vol. 108, No. 429, Summer, 1995, pp. 265-327.
« Questions d’éthique », Cahiers d’ethnomusicologie, 24, 2011 (à paraître)


Quelques journées d’études qui ont récemment traité ou vont traiter de
sujets similaires
Nouveaux terrains et nouveaux enjeux de l’ethnologie : colloque de Metz,
24 février 2004, http://lapirogue.free.fr/enjeux.htm
Intervention d’Antoine Hennion au Colloque “ethnomusicologie de la France”
à l’Université de Nice Sophia-Antipolis, 15-18 novembre 2006. « A la
recherche de l’objet perdu”, 15-18 novembre 2006 (lien vers le compte
rendu ethnomusiKa ici).
“L’anthropologie politique et l’engagement : de l’observation à l’action”
15 juin 2007 (LAIOS - EHESS)
http://doctorants.mshparisnord.org/actualite/article.php3?id_article=494
Journée d’étude EPHE, “réflexions sur les méthodes et expériences de
terrain”, 7 juin 2008, http://www.ajei.org/?q=node/480
“Le sexe et l’orientation sexuelle du chercheur sur son terrain”. 15 avril
2010, EHESS. http://lettre.ehess.fr/544?file=1
“British Forum for Ethnomusicology Annual One-Day Conference: The Impact
of Ethnomusicology”, 4 décembre 2010 (à venir), http://www.bfe.org.uk/one-
dayconference.html
“Journées d’étude 2011 de la Société Française d’Ethnomusicologie: «
Ethnomusicologie, partenariats et coopérations internationales » (titre
provisoire)”, 2011 (à venir).

Calendrier et modalités
Pour proposer une intervention : Envoyez un titre et un résumé de 2000
caractères (soit 300 mots environ) avant la date limite du 15 novembre
2010 par courrier électronique à l’adresse suivante :
rechercheethnomusika.org
Equipe ethnomusiKa :
Elise HEINISCH, Coordinatrice du pôle Recherche et co-organisatrice de la
journée d’étude.
Julien JUGAND, membre d’ethnomusiKa et co-organisateur de la journée d’étude.


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