[ANPPOM-Lista] CFP: Industries culturelles dans les Suds à l'heure d’internet: diversité des acteurs et des reconfigurations locales

Carlos Palombini cpalombini em gmail.com
Ter Dez 12 09:34:03 BRST 2017


Les industries culturelles ont été marquées par de profondes mutations
liées aux développement d’internet et plus largement à celui des
technologies de l’information et de la communication (TIC) (Anderson, 2004
; Benghozi, 2006 ; Bouquillion *et al.*, 2013). Les évolutions dans les
modes de création, production et diffusion de contenus culturels locaux et
internationaux au cœur de ces industries (film, musique, arts visuels, arts
de la scène, littérature) sont en partie repensées à travers les nouvelles
possibilités offertes par les TIC : des outils de production numérique
(audiovisuel, graphique, imprimantes 3D, services, …)*, *aux réseaux
sociaux (Facebook, Instagram, Youtube Channel) en passant par les
plateformes de streaming et téléchargement (Deezer, Netflix), mais aussi
par les blogs personnels, applications pour smartphone, etc. Ces
technologies se diffusent rapidement à l'échelle mondiale et avec elles
l’idée que les TIC seraient le vecteur d’une mondialisation linéaire et
inéluctable, entachée par un processus d’homogénéisation culturelle au
profit des pays anglo-saxons. Cette approche est critiquée et nuancée dès
les années 1980 à travers des travaux qui insistent sur la diversité des
structures industrielles nationales et des choix faits en terme de
politiques publiques (Mattelart et Schmucler 1983 ; Delapierre et
Zimmermann, 1986). Par ailleurs, comme l'on déjà montré des études sur les
configurations industrielles liées aux technologies antérieures — le disque
en Jamaïque (Power et Hallencreutz, 2002), la musique enregistrée en Inde
(Manuel, 1991 ; Parthasarathi, 2013), la radiodiffusion au Brésil, (Rivron,
2010) — les modalités d’appropriation (De Certeau, 1980 ; Appadurai, 1996)
des technologies liées au développement d’internet varient elles aussi
considérablement d’un pays à l’autre.

Cependant, l'étude de la diversité des politiques de transition numérique
et des configurations socio-techniques (Flichy, 2001) qui ont contribué aux
mutations récentes des industries culturelles dans les Suds, reste
relativement marginale et mérite d'être mieux mise en lumière. Dans la
continuité de ces réflexions, il apparaît que les nouvelles technologies
dessinent dans les Suds des industries culturelles et créatives qui
s’ancrent dans des agencements d’acteurs, de services et d’usages qui
diffèrent sensiblement de ce que les discours des institutions centrales du
marché ou des médias internationaux sur l’innovation peuvent laisser voir
(Harker, 1997). Ainsi d’un côté, nous assistons à une consolidation dans
l’espace international des représentations des marchés culturels dans les
Suds comme étant toujours entachés d’inefficience due au piratage (Liang,
2009 ; Mattelart, 2011), à la faible application des droits économiques et
sociaux des artistes, à la domination de l’économie informelle et aux
systèmes de clientélisme ou de corruption (Lobato, 2012 ; Forest, 2012). De
l’autre, ces espaces se constituent en marchés et en territoires de plus en
plus attractifs pour l’organisation de filières d’industries créatives, en
raison de mouvements de libéralisation économique successifs, de la
croissance du marché de consommation, du réseau de distribution de biens
culturels que constitue l’internet, du nombre croissant de créateurs de
contenus culturels en ligne ou encore du coût et de la flexibilité du
travail.

Dans ce contexte, des dynamiques nouvelles sont particulièrement
intéressantes à explorer, parmi lesquelles :

   - l’essor de la production audiovisuelle au Sud : Bollywood et
   Nollywood, de même que la production musicale ou télévisuelle du Brésil ou
   de l’Afrique du Sud, partent de la consommation locale et déploient des
   hégémonies culturelles Sud-Sud ;
   - le réinvestissement récent des marchés africains ou asiatiques par les
   opérateurs historiques dominants (Sony Music Entertainment, la Fnac,
   Newscorp/Murdoch, Bertlesman) ;
   - la compétition entre les plateformes internationales pour s’associer à
   des acteurs locaux (en Inde, alliances d’Amazon studio avec Yash Raj Films
   et de Netflix avec Red Chillies appartenant à la star Bollywood Shah Rukh
   Khan) ;
   - l'utilisation des dernières technologies de communication (Facebook,
   Instagram, Youtube Channel) dans la réinvention de formes visuelles ou
   musicales traditionnelles ou appartenant à la culture populaire, la
   circulation et l’acquisition de savoir-faire et la possibilité de faire
   émerger des discours, des pratiques culturelles et des circuits alternatifs
   (Rivron, 2014).

Ce numéro propose de rassembler des contributions permettant de mieux
comprendre l'articulation entre évolutions de l'environnement numérique et
reconfigurations locales des industries culturelles dans les Suds. Bien que
le terme soit contestable, les Suds, constituent une catégorie d’analyse
encore féconde aujourd’hui pour penser un certain nombre d’asymétries et
d’inégalités à l’échelle du monde, leur construction à l’échelle du temps
long, mais aussi leur traduction à des échelles d’analyse plus fine (Bautès
et Chiros, 2012). Une attention particulière sera accordée aux formes de
structuration émergentes et novatrices qui, même si elles peuvent être
marginales, permettraient de montrer que les Suds sont aussi des
territoires pour repenser les liens entre le numérique et les industries
culturelles, à la fois dans leur autonomie, mais aussi par reflet, pour
mieux envisager les mutations à l'œuvre dans les industries au Nord. S’il
n’y a pas une mais de nombreuses définitions des industries dites
culturelles, nous nous inscrivons dans une approche qui inclue les secteurs
les plus communément reconnus ou appartenant aux "core cultural industries"
(Throsby, 2001 ; Unesco 2013) : le cinéma, la musique, la radio, la
télévision, les arts de la scène, les arts visuels, l’artisanat d'art,
l’édition et la presse.

Trois axes de réflexion seront privilégiés dans ce numéro et peuvent
éventuellement être combinés :
1. Transitions numériques et politiques de régulation

   - Quels sont les programmes de transition numérique mis en œuvre aux
   échelles nationales ou régionales (Mercosur en Amérique du Sud, BIMSTEC en
   Asie Pacifique, CEMAC en Afrique Centrale, mais aussi le groupe des
   puissances émergentes que constitue le BRICS) et leur impact sur les
   industries culturelles ? Y a-t-il  circulation de modèles de politiques
   culturelles numérique entre les Suds ?
   - Comment sont gérés les processus de "mise aux normes" internationales
   (copyrights, royalties) des industries culturelles aux Suds et quels sont
   les conséquences de ces régulations ? Sont-elles perçues comme des leviers
   de développement économique ou comme une menace envers la création et
   circulation de certaines expressions artistiques ?
   - Quels embrayages technologiques endogènes (Latouche, 1989) peut-on
   observer et qui permettent l'émergence de nouvelles formes artistiques,
   pouvant toucher des publics à l’échelle locale ou internationale.

2. Espaces de création et réintermédiation du travail artistique

   - Comment les mutations liées à l'arrivée d'internet affectent-elles les
   trajectoires d’artistes et d’intermédiaires ? Comment les réseaux de
   coopérations anciens participant à la réalisation d'œuvres (visuelles,
   musicales, audiovisuelles etc.) sont-ils repensés avec l'évolution des TIC
   ? En d'autres termes, y a-t-il une nouvelle géographie de la production ?
   Ces configurations permettent-elles une certaine émancipation ou au
   contraire renforcent-elles la précarisation des travailleurs culturels ?
   - Les espaces numériques représentent-ils des arènes de légitimation
   artistique, des espaces où se créent les carrières ? Les artistes sont-ils
   confrontés à de nouveaux gatekeepers et/ou à de nouveaux droits d’entrée
   dans la profession ? Quel rôle attribuer plus particulièrement aux
   plateformes professionnelles et aux médias sociaux dans la chaîne de
   valeur, les formes de reconnaissance et les circuits de distributions de
   biens et de messages ?
   - Quels enjeux soulèvent le déploiement des plateformes locales ou
   internationales de distribution de films, de musique, ou d’autres biens
   artistiques, pour les filières des contenus et les acteurs historiques des
   industries culturelles ? Y a-t-il des évolutions singulières des logiques
   de financement dans les Suds (logiques de verticalisation, concentration à
   l’extrême, crowdfunding) ?
   - Dans quelle mesure les smartphones transforment-ils la façon dont les
   contenus culturels circulent et se valorisent économiquement ? Quels rôles
   jouent les opérateurs téléphoniques dans l’offre de contenus et les modes
   de rémunération de la chaîne de production ?

3. Économies culturelles numériques et transformations des territoires des
industries culturelles

   - Quelles articulations entre économie numérique et informelle
   observe-t-on ?
   - Quelles sont les stratégies de territorialisation des acteurs mondiaux
   (Amazon, iTunes, Deezer etc.) en lien avec de nouveaux publics et nouveaux
   marchés dans les Suds ?
   - Quelles sont les nouvelles formes d’asymétries sociales et
   territoriales (chaînes de valeur, marges des marchés et exclus des
   politiques de transition numérique) ? Les supports numériques
   permettent-ils vraiment l'intégration et la visibilité de territoires
   géographiquement en marge dans les dynamiques culturelles “mainstream”.
   - Doit-on considérer ces configurations comme favorables à des formes
   nouvelles d’autonomie ou de dépendance des périphéries subalternes ? Y
   a-t-il délocalisation du processus de validation/valorisation par des
   agences du Nord ou réelle indépendance des industries ? Comment peut-on
   repenser le modèle classique des oligopoles à frange à l’heure du
   “cyber-espace” et de la mondialisation (Bénistant, 2017) ?

Ce numéro est ouvert aux contributions originales permettant de mieux
répertorier et appréhender la diversité de ces phénomènes à partir de
terrains récents et d’analyses qui accordent une attention particulière aux
dimensions spatiales et socio-anthropologiques (parcours de vie d'artistes,
d'intermédiaires et de startups qui permettent de cartographier les
expériences). Une partie comprenant un état de l'art sur l'approche des
industries culturelles dans le(s) pays étudié(s) et des principaux enjeux
liés à l'arrivée de l'internet sera particulièrement appréciée.
Bibliographie

   - ANDERSON, Chris, “The Long Tail”. *Wired*, 2004.
   - APPADURAI, Arjun, *Modernity at large.* *The cultural dimensions of
   globalization*. Minneapolis: University of Minnesota Press, 1996.
   - ATERIANUS-OWANGA, Alice et MOULARD Sophie, “Cherchez le politique…
   Polyphonies, agencéité et stratégies du rap en Afrique”. *Politique
   africaine*, vol. 141, no. 1, 2016, pp. 5-25.
   - BAUTES Nicolas et DIT CHIROT Clement Marie, “Pour une géographie de
   l’action sociale”. *Carnets de géographes*, nº 4, septembre 2012
   - BECKER, Howard, *Art worlds*. Univ of California Press, 1982.
   - BENGHOZI, Pierre-Jean, "Mutations et articulations contemporaines des
   industries culturelles". In GREFFE, Xavier (ed) *Création et diversité
   au miroir des industries culturelles*, Paris, La Documentation
   française, 2006, pp. 129-152.
   - BENISTANT, Alix. "Industrie musicale et (en) jeux d’échelles: les
   passages du local au global dans la «latin music» produite à
Miami." *Revista
   Pós Ciê**ncias Sociais* 14.28 (2017), pp. 151-166.
   - BOUQUILLION Philippe, MIEGE Bernard, MOEGLIN Pierre, *L’industrialisation
   des biens symboliques. Les industries créatives en regard des industries
   culturelles. *Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 2013.
   - DE CERTEAU Michel, *L**’Invention du quotidien*. Paris, 10/18, 1980.
   - DE MARCHI, Leonardo, “Structural Transformations of the Music Industry
   in Brazil”. In *Made In Brazil: Studies In Popular Music*, 20.
   - DELAPIERRE Michel, ZIMMERMANN Jean-Benoît, *L'informatique du Nord au
   Sud : un complexe industriel transnationalisé*. Paris, La Documentation
   française, 1986.
   - FLICHY Patrice, *L’imaginaire d’**Internet*. Paris, La Découverte,
   2001.
   - FOREST, Claude, “Le cinéma en Afrique : l’impossible industrie”. In *Mise
   au point* [En ligne], 4 | 2012.
   - GERSCHENKRON, Alexander, *Economic backwardness in historical
   perspective. The sociology of economic life*. Westview Press Boulde,
   1992.
   - HARKER, Dave, “The Wonderful World of IFPI: Music Industry Rhetoric,
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   16, No. 1. (Jan., 1997),pp. 45-79.
   - LATOUCHE Serge, *L'Occidentalisation du monde* *: essai sur la
   signification, la portée et les limites de l’uniformisation planétaire*,
   Agalma/la Découverte, Paris 1989.
   - LAURENT, Jeanpierre, ROUEFF, Olivier (dir.), *La culture et ses
   intermédiaires. Dans les arts, le numérique et les industries créatives*.
   Paris, Archives contemporaines, 2014, 267 p.
   - LIANG, Lawrence, “Piracy, Creativity and Infrastructure: Rethinking
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   https://ssrn.com/abstract=1436229
   - LOBATO, Ramon, *Shadow economies of cinema: Mapping informal film
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   - MANUEL, Peter, “The Cassette Industry and Popular Music in North
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   - MATTELART, Armand et Hector Schmucler, *L'Ordinateur et le tiers monde
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   F. Maspero , 1983
   - MATTELART, Armand, *Diversité culturelle et mondialisation*. Edition
   La Découverte, Paris, 2009.
   - MATTELART, Tristan (dir.), *Piratages audiovisuels. Les voies
   souterraines de la mondialisation culturelle*. Ina-De Boeck,
   Paris-Bruxelles, 2011.
   - MATTELART, Tristan, PARIZOT Cédric, PEGHINI Julie et al., “Le
   numérique vu depuis les marges‪”. *Journal des anthropologues*, 2015/3
   (n° 142-143), pp. 9-27.
   - MBAYE, Jenny F., “Musical borderlands: A cultural perspective of
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   - MERCIER, Jeanne. “Vers un déplacement des réseaux de photographes en
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   - OLIVIER, Emmanuelle, « Musiques et globalisation : « techno-logiques »
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   pp. 134-148.
   - PARTHASARATHI, Vibodh, “The Evolution of an Early Media Enterprise:
   The Gramophone Company in India, 1898-1912”. In R.Sundaram (Ed.) *Media
   Studies from India*, OUP, New Delhi, 2013
   - POWER, Dominic et HALLENCREUTZ, Daniel, “Profiting from creativity?
   The music industry in Stockholm, Sweden and Kingston, Jamaica”. *Environment
   and Planning* A, 2002, vol. 34, no 10, p. 1833-1854.
   - RIVRON, Vassili, “Social Media and Linguistic Affirmation in Central
   Africa. Between Cultural Objectification and Cultural Mutation”. In
*Linguistic
   and Cultural Diversity in Cyberspace*, IFAP/UNESCO, Yakutsk, 2015.
   - RIVRON, Vassili, “Le goût de ces choses bien à nous: La valorisation
   de la samba comme emblème national (Brésil, années 1920-1940)”. In *Actes
   de la recherche en sciences sociales*, 2010, no 181-182.
   - THROSBY, David, *Economics and Culture*. Cambridge, Cambridge
   University Press, 2001.
   - UNESCO, *Creative Economy Report*. United Nations, 2013.

Conditions de soumission
1er Mars 2018 : envoi de résumés (500 mots) en français ou en anglais
comprenant un titre et 5 mots-clés

*1e Mai 2018* : date butoir pour la soumission des textes complets en
français ou en anglais.

Les textes doivent être au format .doc et à 50 000 signes maximum
(comprenant la bibliographie, les résumés, mot clés et présentation du/des
auteurs). Plus d’information sur les formats et les recommandations aux
auteurs : https://com.revues.org/7501

Procédure d’évaluation des articles soumis : https://com.revues.org/7499

Novembre/Décembre 2018 : date prévisionnelle de la parution du dossier dans
les *Cahiers d’Outre-Mer.*

Les résumés et articles complets seront conjointement envoyés à
vassili.rivron em unicaen.fr et christine.ithurbide em gmail.com
Coordination du numéro

   - Christine ITHURBIDE, postdoctorante au Labex Industries Culturelles et
   Création Artistique (ICCA), Université Paris 13 et affiliée au Centre de
   Sciences Humaines (CSH), New Delhi et au Centre d’Etude de l’Inde et de
   l’Asie du Sud (CEIAS), Paris.
   - Vassili RIVRON, ‎maître de conférences en Sociologie et épistémologie
   des TIC au Centre de Recherches Risques et Vulnérabilités (CERReV) /
   ‎Université de Caen Normandie, (UNICAEN).

http://calenda.org/424308


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